Durban, CdP 17 et c que je compte faire une fois sur place

Elizabeth May

Il est peu
probable que je rédige un nouveau billet de blogue avant mon arrivée
à Durban. Je quitterai Toronto sous peu à destination de l'aéroport
de Heathrow, d'où je prendrai un vol de nuit pour Johannesburg.
Après avoir passé quelques heures aux douanes et à remplir
d'autres formalités, je prendrai un dernier vol pour Durban.

D'abord,
je vous dirai pourquoi je ne veux pas y aller. Premièrement, je
déteste prendre l'avion – je ne trouve jamais le sommeil en avion,
je me suis fait remplacer la hanche il y a à peine deux mois et
demeurer assise trop longtemps me fait souffrir et m'empêche de
marcher pendant quelque temps, je déteste contribuer à
l'augmentation des émissions de carbone en prenant l'avion, et je
m'attends à ce que, une fois sur place, je n'aime pas du tout
l'expérience jusqu'au moment de prendre l'avion pour rentrer chez
moi.

Cependant,
plusieurs raisons me poussent à y aller.
C'est peut-être l'occasion pour moi de faire une différence. Étant
donné l'ampleur de la menace qui pèse sur la planète, je n'ose pas
rater l'occasion de me rendre quelque part où ma présence risque de
faire une différence.

Quand
je serai enfin arrivée à destination,
sans égard à l'épuisement mental ou physique qui se sera sans
doute emparé de moi, ma toute première tâche consistera à me
rendre au bureau d'accréditation de l'ONU et obtenir mon
laissez-passer pour pouvoir participer à la Conférence. J'y serai à
titre d'observatrice, ce qui me permettra d'assister à la majeure
partie des négociations, mais pas à toutes les réunions. Je
contacterai le négociateur en chef de Tuvalu, qui m'a affirmé par
courriel qu'il chercherait à savoir comment je pouvais soutenir
leurs efforts.

Je
compte également rejoindre la délégation des Verts mondiaux ainsi
que d'autres verts élus au sein de différents gouvernements un peu
partout dans le monde, notamment la Suède, l'Australie, l'Allemagne,
le Kenya et la Finlande. Je rencontrerai aussi la délégation
jeunesse canadienne
– une véritable source d'inspiration. Je suis
toujours ravie de revoir de vieux amis. À la CdP 14 de Poznan,
je me souviens avoir dit à un journaliste que c'était comme « une
réunion de famille sur le Titanic. Que c'était agréable de revoir
tout le monde, mais que l'atmosphère était alourdie par un mauvais
pressentiment. »

La
dynamique des négociations augure mal. À cette étape du processus
établi par la CdP 11 tenue à Montréal, nous devrions aborder
la prochaine phase avec confiance et préparer la mise en œuvre de
la seconde période d'engagement aux termes de Kyoto afin d'assurer
une transition sans heurts entre la première et la seconde phase de
Kyoto. Mais le déraillement de Copenhague a jeté un pavé dans la
mare. Certains journalistes me reprochent amèrement d'avoir accusé
le gouvernement du Canada (sous le contrôle temporaire des
conservateurs de Harper) de sabotage. Mais j'ai observé
attentivement toutes les manœuvres de sabotage de l'ère de
Stephen Harper depuis le tout premier jour. Il déteste Kyoto.
En fait, sa réaction allergique à Kyoto est telle qu'on pourrait
parler d'un choc anaphylactique. Sa première tâche comme premier
ministre a été de répudier nos cibles juridiquement contraignantes
aux termes de Kyoto. Un acte de sabotage. Ainsi, à chaque CdP depuis
2006, la délégation de Harper fait obstacle au progrès. Il est
même arrivé que la délégation canadienne demeure assise sans rien
dire pendant tout le processus visant à dégager un consensus,
jusqu'à ce que la présidence de la CdP (ou n'importe quel groupe de
travail s'étant attelé à la tâche avec ardeur) déclare être en
mesure de dégager un consensus, puis qu'elle se lève pour soulever
une myriade d'objections. On appelle ça négocier de mauvaise foi.
On peut aisément affirmer que la délégation canadienne a saboté
les 12e,
13e,
14e,
15e et
16e
conférences des Parties.

On peut
aussi parler de sabotage lorsque le gouvernement Harper use de
différents stratagèmes pour convaincre d'autres nations de refuser
de négocier une deuxième période d'engagement.

Pour
ajouter l'insulte à l'injure, le gouvernement Harper a déjà prévu
son retrait légal du Protocole de Kyoto, mais ne comptait l'annoncer
qu'une fois les négociations de la CdP 17 terminées. Encore
une fois, on peut présumer que le véritable programme du Canada à
Durban consiste à faire dérailler les négociations et à
convaincre d'autres nations d'adhérer à sa position en refusant de
faire partie de la solution, ce qui donnerait une certaine légitimité
à l'idée de tuer Kyoto. Le gouvernement Harper compte ensuite
rentrer au pays et annoncer l'abandon légal du Protocole de Kyoto
par le Canada le 23 décembre, soit lorsque la Chambre aura
ajourné ses travaux pour la période des Fêtes.

Pour
mieux comprendre la stratégie de Stephen Harper, imaginez un
instant que notre premier ministre soit George W. Bush.
Notre premier ministre a repris le flambeau de Bush en s'opposant à
toute action mondiale, mais il est beaucoup plus doué pour cacher
ses intentions réelles et masquer ses actions.

Je
présume que l'abandon de Kyoto serait louable si le gouvernement
Harper faisait réellement ce qu'il affirme être en train de faire,
soit essayer de convaincre les autres nations de s'engager aux termes
d'un accord international juridiquement contraignant et inclusif pour
remplacer Kyoto. Mais ce n'est pas le cas. Ce genre d'accord n'existe
pas. Et avec le compte à rebours qui nous rappelle l'urgence d'agir
pour éviter une catastrophe planétaire, nous n'avons plus le temps
d'élaborer un nouveau cadre d'action. La seule autre option sur la
table est l'Accord de Copenhague – ce bout de papier ridicule et
non contraignant.

Si
Harper tenait vraiment à signer un accord juridiquement contraignant
pour réduire les émissions de gaz à effet de serre qui inclut la
Chine, l'Inde et le Brésil, il demeurerait au sein de Kyoto, puisque
ce processus reçoit déjà l'appui de la Chine, de l'Inde et du
Brésil, qui figurent parmi les 191 nations ayant déjà ratifié
Kyoto.

Alors
que puise encore espérer? J'espère de tout cœur que l'Union
européenne, malgré les distractions bien réelles de la crise
financière, fasse preuve de leadership et travaille de concert avec
les autres nations disposées à négocier de bonne foi comme la
Suède, la Norvège, la Nouvelle Zélande, l'Australie (je
pense), les pays en développement et les États côtiers à faible
altitude pour que nous puissions mettre un terme à l'augmentation
des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2015 au plus tard.
J'espère que le Japon, toujours déterminé à atteindre ses cibles
en regard de la première phase de Kyoto, reviendra parmi nous.
J'espère que le gouvernement dysfonctionnel des États Unis
parviendra à faire bouger les choses à Durban. Et, enfin, j'espère
que la délégation canadienne cédera devant la pression publique
sans précédent et fera un virage à 180 degrés pour
finalement accepter de s'engager aux termes d'une seconde phase de
Kyoto.

En
d'autres mots, j'espère un miracle.