En reportant le vote de confiance d'une semaine, Stephen Harper a essayé de gagner du temps jusqu'au 8 décembre pour essayer de monter les Canadiennes et les Canadiens contre l'idée d'un gouvernement de coalition. L'opinion publique pourrait avoir un effet sur la mise en œuvre d'une telle situation - il s'agit peut-être de l'événement le plus excitant et le plus encourageant à être survenu dans la politique canadienne depuis... toujours.
Le premier coup que Harper a porté à la coalition a été lorsqu'il a déclaré que cette dernière serait « antidémocratique et formée au moyen de tractations politiques. » Comme nous le savons tous, le système uninominal majoritaire nous a donné un autre gouvernement conservateur grâce à l'appui de seulement 5 205 334 Canadiennes et Canadiens. Pour fournir une échelle de grandeur, les 940 747 voix du Parti Vert équivalent à 18 % du total de votes qu'ont reçu les Conservateurs, et ces derniers, comme nous le savons tous, ont reçu la minorité des suffrages exprimés. Seulement 37,6 % des électeurs ont choisi ce gouvernement. C'est ainsi que le système fonctionne. Et c'est ainsi qu'ils ont réussi à élire un gouvernement minoritaire.
Pour qu'un gouvernement minoritaire fonctionne, le premier ministre doit consulter les chefs des différents partis formant l'opposition et essayer d'obtenir un consensus. Historiquement, dans une démocratie parlementaire, le premier ministre est le « premier parmi ses pairs. » C'est la Chambre des communes qui forme le gouvernement, et non le premier ministre. Et c'est particulièrement le cas dans une situation de gouvernement minoritaire. Ce dernier doit en effet obtenir la confiance de la Chambre des communes pour pouvoir gouverner. C'est ainsi que notre démocratie fonctionne.
Après les élections, M. Harper a fait des déclarations très positives sur la façon dont il voulait voir la prochaine session parlementaire se dérouler. Il parlait alors d'une session axée plus sur la coopération, et moins sur la confrontation.
J'étais présente à la Chambre des communes lors de la journée d'ouverture de la session parlementaire, ainsi qu'à la salle du Sénat pour entendre le discours du Trône. Il y avait de la bonne volonté dans l'air. Mais à la période des questions de jeudi, qui était en fait la première période de questions de la session, il était clair que peu de choses avaient changé. Le chahut et l'insolence qui régnaient alors semblaient seulement légèrement moins épouvantables qu'au printemps dernier, au moment où la Chambre a suspendu ses travaux.
Puis est arrivé l'exposé économique. Comme je l'ai écrit dans mon dernier billet de blogue, cet exposé ne répondait pas du tout aux exigences de la crise économique actuelle, et ce, dans sa totalité.
Dans une situation où la récession menace de devenir déflationniste, nous avons besoin de confiance et d'investissements. Nous avons aussi besoin d'un programme qui stimulerait l'économie grâce à des investissements dans l'énergie verte et la création d'emplois verts. En fait, nous en avions déjà besoin hier. Il est vrai qu'il serait difficile pour les Conservateurs de Harper de trouver des ressources afin de mettre au point un programme qui stimulerait l'économie. En effet, les mauvaises stratégies économiques, la baisse de la TPS et l'augmentation des dépenses instaurées par leur gouvernement ont anéanti les surplus et les réserves que le gouvernement précédent avait réussi à accumuler. La caisse est vide maintenant. C'est la vie. Toutefois, nous sommes coincés là où nous sommes. Il sera donc nécessaire de recourir à la solution du financement déficitaire. Même les prétentions que M. Harper avançait durant les élections, selon lesquelles le financement déficitaire serait « dangereux », se sont miraculeusement transformées, au Sommet de l'APEC, au Pérou, lorsqu'il a affirmé que les déficits étaient « essentiels. » Comme nous le savons tous, la mise à jour de la situation économique a indiqué que le gouvernement continuerait d'enregistrer des excédents au cours des cinq prochaines années. Personne ne croit cette prédiction. Les éminents économistes du pays affirment dans l'ensemble que M. Flaherty a « tripoté les chiffres. »
En plus de son refus total de prendre toute responsabilité pour le bien du pays, le gouvernement Harper a ajouté une « pilule empoisonnée », un calcul politique qui n'a rien à voir avec la mise en œuvre d'un plan pour contrer la crise économique. Comme l'a écrit Jeffrey Simpson dans le Globe and Mail (28 novembre), les Conservateurs « essaient d'utiliser la crise économique actuelle pour en tirer des avantages partisans. » Il a continué en faisant remarquer que « les Canadiennes et les Canadiens se sont battus longtemps pour obtenir ces stimulants économiques afin d'inciter la population à donner aux partis politiques, ils ne peuvent pas laisser les intérêts personnels éhontés d'un seul parti renverser le progrès. »
Ainsi, peu importe le point de vue, il est impossible de penser que Stephen Harper s'est adressé au nouveau Parlement dans le but de gagner la confiance de la Chambre des communes. En fait, il a de toute évidence perdu la confiance de la Chambre, et il est le seul à pouvoir en être blâmé. Il ne pouvait résister à son instinct qui le poussait à mener une campagne continuelle, à user d'une partisanerie où tous les coups étaient permis. Il ne veut pas seulement gagner les élections, il veut éliminer l'opposition de façon permanente.
Don Martin a présenté cette situation dans le National Post de la façon suivante : « [...] cette épreuve de force [est] un manquement impardonnable à la confiance que les électeurs ont accordée à M. Harper. Il a été élu pour diriger un gouvernement minoritaire dans un esprit de coopération. Il pensait avoir tendu un piège mortel à ses opposants. Il est fort possible maintenant qu'il devienne sa propre victime. »
À quoi pouvons-nous nous attendre au cours de la prochaine semaine? Je prédis que nous verrons de nouvelles publicités agressives envers les partis de l'opposition et l'idée de la coalition. Sans doute ces publicités sont-elles déjà en cours de production au moment où l'on se parle. Elles tenteront de présenter le gouvernement de coalition comme une sorte de coup d'État malfaisant.
Cet argument ne sera que du battage médiatique et de la manipulation. Il s'agit, en fait, du contraire de la vérité.
Si vous regardez les résultats des élections, il est clair que le gouvernement de collation est tout à fait démocratique. En fait, il s'agit de l'issue la plus démocratique qui soit à pouvoir se produire dans le système actuel. Additionnez les votes du Parti libéral (3 629 990 votes), avec ceux du NPD (2 517 075 votes), puis avec ceux du Parti Vert (940 747 votes), et vous obtiendrez 7 077 812 votes. Ce total représente plus de 7 millions de votes pour d'autres partis que celui des Conservateurs, ce qui est sans compter les votes pour le Bloc Québécois, qui s'élèvent à plus d'un million. Ainsi, plus de 8,4 millions de Canadiennes et de Canadiens n'ont pas voté pour les Conservateurs. En matière de pourcentage, il s'agit de 37,6 % contre 61,2 %. Manifestement, le choix démocratique tend plutôt vers un gouvernement de coalition qui représenterait la vaste majorité des Canadiennes et des Canadiens.
Alors, au cours de la prochaine semaine, ne laissez pas la machine d'attaque conservatrice façonner l'opinion publique. Malheureusement, les Verts ne sont pas présents à la Chambre des communes, mais nous agissons par contre au niveau local, dans les quartiers et les communautés. S'IL VOUS PLAÎT, faites passer le mot. Envoyez des lettres aux députés (comme l'a suggéré M. Harper). Écrivez des billets de blogue sur les sites Web des différents médias. Publiez des commentaires. Écrivez des lettres aux rédacteurs en chef. Organisez vos propres événements. Participez aux rassemblements sur les changements climatiques prévus pour le 6 décembre et appuyez le rêve d'un gouvernement de coalition qui soutiendrait des mesures internationales au cours des négociations sur les changements climatiques qui auront lieu en Pologne du 1er au 13 décembre. Nous pourrions remettre le Canada sur les rails afin de nous rallier au mouvement d'espoir et de changement qui existe actuellement chez nos voisins du Sud. Nous pourrions protéger les économies des aînés. Nous pourrions agir pour aider les Canadiennes et les Canadiens disposant d'un faible revenu, ainsi que les gens souffrant d'une incapacité. Nous pourrions protéger les emplois existants et en créer des nouveaux. Par exemple, la rénovation des maisons et des édifices pourrait être un stimulant économique sensationnel qui permettrait aussi de combattre les changements climatiques. Nous pourrions également créer des incitatifs économiques pour nous amener à utiliser des soucres d'énergie renouvelables ainsi qu'à mettre sur pied un service ferroviaire et de transport en commun améliorés. Nous pourrions avoir un gouvernement qui représente ce que la majorité des Canadiennes et des Canadiens veulent.
Et ce dernier élément est un combat qui en vaut largement la peine. N'attendez pas que les choses se fassent sans intervenir. Il n'est pas nécessaire d'occuper un aéroport pour apporter des changements à notre gouvernement. La seule chose que nous devons faire est de soutenir la démocratie parlementaire. Nous devons affirmer clairement que la population canadienne appuie un gouvernement de coalition et qu'elle désire que la gouverneure générale donne une chance à ce dernier.