L'axe pétrolier : problèmes et questions pour le Canada

Le premier ministre, aveuglé par l'argent et les marchés, ignore la sécurité énergétique, la sécurité nationale, les droits de la personne, la Syrie et d'autres questions importantes

OTTAWA – Lors d'une conférence de presse tenue aujourd'hui à Ottawa, la chef du Parti vert du Canada et députée de Saanich—Gulf Islands Elizabeth May affirmait que la dépendance croissante du gouvernement fédéral envers les investissements étrangers et leur influence dans les sables bitumineux et ailleurs suscitaient de graves inquiétudes, surtout à la lumière du voyage en Chine de Stephen Harper.

« On nous dit que les campagnes de séduction presque désespérées du gouvernement Harper à l'intention des investisseurs étrangers n'ont rien de si extraordinaire, que c'est une question de capital, mais les enjeux sont bien plus importants qu'il n'y paraît et cela nécessite une discussion publique », a dit May. « En fait, les impacts négatifs de ce qu'il convient désormais d'appeler "l'axe pétrolier Chine‑Harper" sont tellement nombreux que j'ai du préparer une liste, qui va des pertes d'emplois à la crise en Syrie. »

« Les Canadiennes et les Canadiens ne peuvent tout simplement pas – ne doivent pas – accepter les changements socioéconomiques drastiques orchestrés agressivement par le gouvernement Harper sans en savoir plus. »

1)      Le secteur pétrolier et gazier attire près du double des investissements étrangers par rapport à la moyenne dans d'autres secteurs de notre économie, et le double des profits engrangés par ce secteur quitte le Canada.

2)      Les investissements chinois dans les sables bitumineux atteindraient entre 12 et 20 milliards de dollars (la différence entre les estimations est attribuable au manque de transparence). La société d'État Sinopec, deuxième producteur de pétrole et première société de raffinage de Chine, fait partie d'un consortium ayant fourni environ 100 millions de dollars pour financer le volet réglementation et développement du projet de pipeline et de pétrolier par Enbridge en échange de garanties à l'égard du transport sur le pipeline et de sa participation en capital.

3)      Pendant la campagne électorale fédérale de 2008, Stephen Harper a promis de ne pas exporter de pétrole brut aux pays dont les normes environnementales sont moins strictes que celles du Canada et de protéger les emplois canadiens. Le projet de pipeline et de pétrolier Enbridge pourrait provoquer la perte de plus de 26 000 emplois canadiens, puisque le raffinage du bitume se ferait en Chine, et non plus au Canada.

4)      En plus de provoquer des pertes d'emplois massives, cette stratégie menace notre sécurité énergétique, voire notre souveraineté nationale. Comme l'a dit Anthony Campbell, ancien président du Secrétariat de l'évaluation du renseignement du Bureau du Conseil privé : « Nous sommes des cibles faciles. » Nous perdons notre capacité à contrôler les sables bitumineux et notre avenir. Par exemple, lorsque la société d'État chinoise Sinopec a acquis des actions minoritaires dans Syncrude en 2010, elle a obtenu un droit de veto sur toute décision de Syncrude touchant les emplois canadiens ainsi que la valorisation et le raffinage au Canada [lire l'article « Defenceless » rédigé par Terry Glavin et publié dans l'Ottawa Citizen, samedi 4 février 2012].

5)      Même Enbridge a admis que son pipeline ne comporterait aucun avantage pour le Canada à défaut d'obtenir la soi-disant « prime asiatique », soit un prix plus élevé pour son pétrole brut. Dans une analyse détaillée soumise à la Commission d'examen conjoint de l'Office national de l'énergie (ONÉ), l'économiste et ancienne directrice générale de la société d'assurance automobile de la Colombie-Britannique (ICBC) Robyn Allan notait : « Le bon côté de la chose est que le cours du marché pour les besoins des raffineries canadiennes [...] sera fixé comme si les transactions liées à l'offre et à la demande en brut canadien se déroulaient sur le marché asiatique. » Selon Allan, cela provoquera également « une diminution du pouvoir d'achat des familles, la flambée des prix du pétrole pour les industries dépendantes du pétrole [...] le déclin du PIB réel, une diminution des recettes de l'État, la hausse de l'inflation, la hausse des taux d'intérêt et la hausse du dollar canadien.

6)      Le Canada deviendra peu à peu un État pétrolier, avec toutes les conséquences négatives qui en découlent et dont nous avons pu être témoins un peu partout dans le monde. Le journaliste Andrew Nikiforuk estime que Canada est déjà engagé sur cette trajectoire : « Les pays exportateurs de pétrole, financés par le pillage pétrolier au lieu des impôts, ne fonctionnent pas comme de véritables gouvernements parce qu'au fil du temps, ils en arrivent à représenter les intérêts des hydrocarbures de la même manière que les économies de plantation défendaient les propriétaires d'esclaves à l'époque. En fin de compte, la majorité des États pétroliers, de la Russie à l'Arabie Saoudite, craignent la dissidence, la transparence, l'équité des marchés et la bonne gouvernance. »

7)      L'absurdité du soi-disant « pétrole éthique » saute aux yeux si l'on examine de plus près notre partenariat de plus en plus important et inconditionnel avec la Chine. Après tout, la Chine travaille également en partenariat étroit avec l'Iran, la Syrie et l'Arabie Saoudite – un fait qui enlève toute crédibilité aux soi-disant inquiétudes du gouvernement à l'égard de l'influence « étrangère » chez les opposants au pipeline Enbridge-Chine.

À présent, j'aimerais poser quelques questions :

1)      Plus la Chine aura accès à notre pétrole brut, plus elle sera en mesure d'offrir des emplois et de produire des biens de consommation bon marché pour ses habitants. Pourquoi Harper ne fait-il pas pour le Canada ce que le gouvernement chinois fait pour la Chine?

2)      Comment le Canada peut-il soulever la question des violations des droits de la personne en Chine ou ailleurs lorsque notre avenir est aussi étroitement lié au marché chinois? À titre d'exemple, comment pouvons-nous critiquer la Chine avec force et crédibilité pour son refus d'appuyer la résolution du Conseil de sécurité de l'ONU?

3)      Bien entendu, la pierre angulaire de toutes mes préoccupations est le fait que la planète se réchauffe pratiquement à vue d'œil. La position défendue par le premier ministre à Durban était axée sur le rejet du seul instrument international juridiquement contraignant, le Protocole de Kyoto, en affirmant que nous accepterions un accord uniquement si la Chine en faisait partie. La Chine, qui a déjà fait beaucoup plus que le Canada pour lutter contre les changements climatiques, a quant à  elle affirmé qu'elle se fixerait des cibles uniquement lorsque d'autres pays, comme le Canada, accepteraient de s'engager pour une seconde phase aux termes de Kyoto. Le premier ministre profitera-t-il de son voyage en Chine pour poser un geste vigoureux et déterminant en s'engageant envers la Chine à retirer sa lettre de préavis envoyée pour annoncer notre retrait de Kyoto?

4)      Enfin, je me souviens de l'époque où Trudeau a créé Petro-Canada, avec ses bureaux de Calgary que tout le monde surnommait « la place Rouge. » Plusieurs Canadiennes et Canadiens étaient furieux contre Trudeau lorsqu'il a décidé de nationaliser nos ressources pétrolières, mais au moins, les retombées économiques devaient profiter au Canada, pas à une autre nation. Aujourd'hui, Petro‑Chine vient remplacer Petro‑Canada et c'est Beijing qui s'occupe de nationaliser l'industrie pétrolière et gazière canadienne au lieu d'Ottawa.

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Renseignements :
Rebecca Harrison
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