Jeudi, Adriane Carr et moi avons rendu visite à notre formidable candidate dans Prince George—Cariboo, Heidi Redl. Nous voulions le faire depuis quelque temps déjà (et à Prince George le lendemain nous avons rencontré une autre candidate tout aussi formidable, Hilary Crowley, dans Prince George—Peace River). En planifiant ce voyage à Williams Lake, nous ignorions que notre visite suivrait de près la décision du gouvernement de rejeter le projet de mine d’or et de cuivre, mieux connu sous le nom de Prosperity Mine. La mine aurait signifié la mort de Fish Lake. Un ingénieur jeune et brillant rencontré pendant le vol affirme que je ne le croirais même pas si je le voyais au cinéma. Quelques clichés : Prosperity Mine (mine prospérité). Fish Lake (lac poisson).
Étant donné le sentiment d’incrédulité qui régnait dans la petite collectivité, nous avons décidé d’organiser une table ronde communautaire. Heidi a invité de nombreux intervenants clés de la localité – des groupes communautaires, des groupes écologistes, des membres des Premières nations et la chambre de commerce. Seule la chambre de commerce a décliné l’invitation. Nous avons discuté notamment des occasions de développement économique propre et de création d’emploi verts pour la région.
Il y a lieu de souligner que la région a été la plus durement touchée parmi toutes les régions canadiennes (à ce jour) par la crise des changements climatiques. En effet, le pin tordu latifolié (pin lodgepole) des forêts de l’intérieur a été pratiquement éradiqué par le dendroctone du pin ponderosa (DPP). Les années précédentes, l’insecte n’avait jamais causé des ravages au point de détruire des forêts entières. Les vagues de froid hivernales avaient toujours permis de freiner sa prolifération. Ce n’est plus le cas. À cause des changements climatiques, les ravages causés par le DPP ont coûté des centaines d’emplois dans de nombreux secteurs liés à la foresterie.
La discussion fut très animée. Plusieurs citoyens ont exprimé leurs frustrations par rapport à la mine Prosperity et son promoteur, Taseko Mines Ltd. Pendant dix-sept ans, ceux qui ont défendu le projet minier jugeaient qu’il constituait un véritable remède à tous les maux – la promesse de richesses et de « prospérité ». L’obsession avec la mine me faisait penser à un roman de Charles Dickens, Bleak House, dans lequel la famille Jardyce épuise toute sa fortune en se querellant au sujet d’un testament. Les membres de la collectivité ont parlé d’idées préconçues qui faisaient en sorte que la mine constituait la seule avenue possible pour créer de nouveaux emplois. La promotion de la mine était telle que plusieurs points d’intérêt de la ville furent rebaptisés « Prosperity ». Ainsi à Williams Lake, la ville natale de Rick Hansen, « L’homme en mouvement », le chemin Rick Hansen est devenu le « chemin Prosperity ». Le centre commercial où est situé le Walmart fut rebaptisé « Prosperity Place ». Et, pour citer un participant, « nous avons de la chance que la ville se nomme toujours Williams Lake. »
Le chef Joe Alphonse des Tsilhqot’in a affirmé avoir été traité avec mépris et humilié par la société minière et ses promoteurs. Pendant ce temps, il a souligné que la Première nation injecte 150 M$ de dollars par année dans l’économie. Sa première nation a par ailleurs racheté une vieille scierie et élabore en ce moment un projet bioénergétique. Il a également travaillé de concert avec d’autres intervenants locaux et est parvenu à réduire considérablement le taux de criminalité. Le chef Joe Alphonse est convaincu qu’il faut d’abord et avant tout investir dans l’éducation. Son leadership est très inspirant.
Les idées proposées pour favoriser le développement économique comprenaient notamment l’expansion de la production d’aliments locaux, plus particulièrement des fruits et légumes, l’agrandissement de l’abattoir pour le bovin biologique d’embouche, l’expansion du tourisme (la région est située à un jour de route de Vancouver, Fish Lake regorge de poissons, on y rencontre des grizzlis et des chevaux sauvages, tout cela entouré de paysages à couper le souffle), la possibilité de produire des briques localement, la remise en service du réseau ferroviaire voyageur, les nouveaux produits du bois fabriqués à partir du bois « bleui » attaqué par le DPP. Dernièrement, une initiative a permis de développer une occasion d’affaires en lien avec le vélo de montagne.
Puis nous sommes allées rencontrer le maire. Son « Excellence », Kerry Cook, fut impressionnante. Les idées proposées par les membres de sa collectivité correspondaient à son propre raisonnement. « Nous ne mettons jamais tous nos œufs dans le même panier », a-t-elle dit. Elle a ajouté que la Ville avait élaboré son propre « plan intégré d’urbanisme durable » pour tenter de s’éloigner du « cycle prospérité-récession. » Elle cherche d’ailleurs à savoir où est allé l’argent promis par le gouvernement fédéral pour les collectivités aux prises avec le DPP. Le premier ministre Harper avait promis 1 milliard de dollars aux collectivités de la Colombie-Britannique touchée par le DPP. À ce jour, à peine 200 M$ ont été débloqués, et ce, pour l’ensemble des collectivités ravagées par le DPP.
Il semblerait que Taseko n’accepte pas une réponse négative. Peut-être ses dirigeants devraient-ils commencer par traiter les Premières nations avec respect? Peut-être cesseront-ils de tenter d’obtenir l’autorisation de prendre des raccourcis bon marché pour l’exploitation d’une mine d’or et de cuivre et trouveront-ils enfin le moyen de protéger Fish Lake et ses tributaires? Pendant ce temps, plusieurs citoyennes et citoyens de Williams Lake sont ravis que les idées préconçues à l’égard de « Prosperity » sautent peu à peu et laissent la place à de nouvelles idées qui méritent d’être explorées.
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Elizabeth May
12 novembre 2010