Le Parlement n’est pas un endroit très agréable. On dirait même que la situation s’est empirée depuis que j’ai écrit Losing confidence.
Cette semaine, j’étais à Ottawa pour assister à la Décision de la présidence et à d’autres événements. Je suis allée voir la période des questions tous les jours; ce fut une pénible expérience. Jusqu’à maintenant, une seule question sur la crise climatique a été posée... par le brillant porte-parole du Bloc québécois, Bernard Bigras. L’opposition délaisse les questions importantes à la moindre rumeur de scandale.
Le ton général au Parlement ressemble encore plus à un zoo que dans mes souvenirs. Dans mon dernier livre, j’ai écrit que les députés du Bloc n’avaient pas tendance à chahuter. Oubliez ça. Ils chahutent maintenant comme tout un chacun. Bien sûr, quelques députés s’élèvent au-delà de ces comportements de mufle. Je n’ai jamais vu le conservateur Michael Chong, le libéral Glen Pearson ou les députés du NPD Linda Duncan, Denise Savoie ou Finn Donnelly lancer des insultes. Probablement que d’autres députés refusent également d’être grossiers, mais ils constituent malheureusement une minorité.
Ce qui passait auparavant pour des questions à la Chambre ressemble de plus en plus à des messages chorégraphiés. Ce sont les conservateurs qui ont d’abord eu l'idée de terminer une déclaration ou de répondre à une question avec le même slogan. Les libéraux ont maintenant repris le concept. Lorsqu'ils faisaient partie de l'opposition, les conservateurs attaquaient les libéraux parce qu'ils appliquaient une « culture où tout leur était dû ». Maintenant, les libéraux attaquent systématiquement le gouvernement conservateur pour sa « culture de la tromperie », ce qu’ils répètent de façon délibérée.
Les conservateurs attaquent Ignatieff avec la nouvelle phrase « il n’est qu’en visite ». Ils se servent du chahut en Chambre pour mettre à l'essai les messages qui figureront dans leurs publicités télévisées. Ces répétitions incessantes à la Chambre sont agaçantes et enfantines; impossible par contre de les accuser de « changer de sujet ». John Baird réussit à répéter la même attaque toutes les cinq minutes dans l’espoir qu’une de ses interventions fasse le téléjournal du soir. Cette semaine, son objectif est d'admonester les libéraux pour leur participation au scandale des commandites.
L’affaire Jaffer-Guergis attise beaucoup la colère à la Chambre. Elle ne mérite pourtant pas toute cette frénésie. Cela nous ramène à ce que les tenants de la démocratie et d’un gouvernement transparent nous disent depuis longtemps : la Loi fédérale sur la responsabilité comprend beaucoup trop de lacunes (consultez le site Démocratie en surveillance pour obtenir tous les détails). Les membres du gouvernement ne sont pas obligés de répertorier et de signaler leurs rencontres avec des lobbyistes. Il incombe à ces derniers de faire ce travail. Un lobbyiste qui n’est pas inscrit, comme Rahim Jaffer, peut donc éviter de se rapporter. Malgré ses tentatives d'influence évidentes, aucun membre du gouvernement n'a pensé qu'il serait prudent de lui dire de cesser ses activités, de le signaler au commissaire à l'éthique ou d'intenter un recours contre lui.
Il est inquiétant de voir les députés refuser à la vérificatrice générale d’enquêter sur les dépenses parlementaires et sur les budgets des députés. Cette réaction ne ressemble pas à celle d’un gouvernement transparent. Loin de là.
J’en viens à la conclusion suivante. Ce n’est pas que les conservateurs n’aiment pas la culture du « tout nous est dû ». Ils détestaient plus précisément la « culture du tout est dû aux libéraux ». Selon leur point de vue, la culture du tout est dû aux conservateurs est tout à fait différente. Les libéraux ont beau détester ce que le premier ministre fait en Chambre lors des débats, mais ils sont beaucoup trop occupés à imiter ses méthodes pour prouver une fois pour toutes qu'ils seraient différents une fois portés au pouvoir.
Il faut que cela change avant que les Canadiennes et les Canadiens finissent par renoncer à l’engagement citoyen.